(Publié à l'origine sur
Mastodon)
J'ai été appelé du contingent dans la cavalerie, au sein de cette grande
institution nécessairement bien organisée.
J'ai reçu un papier me disant de me rendre à la gare de Colmar le lendemain de
mon anniversaire. Je me dis
« oh y sont sympas, y m'appellent pas le jour de mon anniv,
alors que normalement ça aurait dû être ce jour là. »
À la gare de Colmar, y'a personne. Un peu plus tard, y'a un autre gars qui
arrive, tout aussi paumé que moi. Puis deux autres. Puis quelques autres. Et
on attend.
Au bout de quelques heures, arrivent des militaires qui appellent des noms,
mais pas le mien ni celui de 3 autres gars. Alors on leur demande ce qu'on est
censés faire. Ils savent pas, mais nous emmènent à la caserne de Colmar (nous
4 on est censés aller dans diverses casernes de la brigade franco-allemande,
en Allemagne donc).
On passe la nuit à la caserne de Colmar, juste nous 4 dans un dortoir pour 16.
Et la journée aussi.
L'après-midi, des militaires de la caserne de Donaueschingen viennent nous
chercher et on part en minibus (sjmsb). On arrive l'après-midi à la caserne,
c'est là que 2 des gars devaient aller. Ils appellent la caserne d'Immendingen
pour que quelqu'un vienne me chercher (je suppose qu'ils ont fait pareil pour
le 4è gars qui devait aller je sais pas où). Je passe quelques heures au poste
de garde, puis le soir deux militaires arrivent en P4 et m'emmènent à mon
nouveau chez-moi.
On est vendredi soir, 22h passées, après l'extinction des feux. On me met dans
une chambre avec 3 autres gars tout aussi paumés que moi. Sauf qu'eux sont
arrivés avant le week-end, quand le magasin du corps était encore ouvert. Donc
ils ont eu leur paquetage, y compris leurs treillis. Moi pas. Donc j'ai passé
le week-end habillé en civil dans une caserne, à me retrouver en queue de
colonne parce que j'étais pas habillé pareil que les autres et que ça faisait
désordre.
Le lundi, j'ai eu mon matériel, et pour je sais plus quelle raison je me suis
changé dans un bureau, pas dans ma chambre. Après c'est un peu flou, mais je
suis passé devant l'officier orienteur, je lui ai dit que j'avais un diplôme
d'ingé en informatique et au bout de 2 jours j'ai changé d'escadron, passant
d'un escadron de combat à celui de commandement et de logistique (ECL). Quand
les autres gens partaient quelques semaines faire leurs classes, moi
bizarrement je suis resté.
Dans la cellule OPEX (opérations extérieures) du BOI (bureau de machin et de
trucs, j'ai oublié) il y avait un appelé qui savait utiliser un ordinateur et
qui finissait son service deux mois plus tard. Je devais le remplacer. C'est
lui qui, dans le bureau, m'a appris à saluer et à faire des quarts de tour et
des demi-tours. Les grades, je les ai appris sur le tas.
La cellule OPEX avait besoin d'un outil informatique pour gérer les
personnels, et on comptait sur moi pour l'écrire.
Dans le bureau, il y avait aussi un adjudant et un maréchal-des-logis chef
(promu plus tard adjudant) qui fumaient comme des cheminées d'usine (alors que
c'était interdit de fumer dans les bureaux, bien sûr).
L'adjudant avait le dos tout pété d'avoir passé 10 ans dans des blindés et
attendait la retraite. C'était un fainéant comme moi. Il m'avait appris à
ouvrir l'armoire blindée qui contenait les passeports des personnels (et les
horaires de bus, aussi).
L'armoire blindée était juste derrière la porte du bureau, donc on fermait la
porte à clé pour ne pas qu'une ouverture intempestive de cette dernière ne
vienne taper dans le gros bouton chiffré de la porte de l'armoire.
Un jour que l'autre adjudant était absent, on a ouvert l'armoire pour avoir
une raison de verrouiller le bureau, on s'est assis face à face et on s'est
amusés a lancer des mines de stylos dans la tasse de l'autre à l'aide du
mécanisme à ressort des agrafeuses.
Mais en fait, j'étais pas habilité à ouvrir l'armoire blindée. L'adjudant m'a
dit
« si on te demande de l'ouvrir, tu dis que tu sais pas faire. »
Le chef de la cellule OPEX c'était un lieutenant qui bossait à l'étage. Il
était sympa, et je donnais des cours de maths à sa fille en échange de bons
dîners préparés par sa femme. Un soir j'étais en civil, seul dans mon bureau,
à attendre le lieutenant pour qu'il m'emmène chez lui. Arrive alors le second
du chef de corps.
Le lieutenant-colonel me demande d'ouvrir l'armoire blindée pour sortir un
truc. Je lui réponds, comme l'adjudant m'a dit, que je ne connais pas la
combinaison. Arrive alors le lieutenant, mon chef, à qui le colon demande le
truc en question. Le lieutenant, qui sait que je connais la combinaison, se
tourne vers moi et dit « Weber, ouvre l'armoire blindée ». Alors je dis « Oui,
mon lieutenant » et j'obtempère, sous les regard intrigué du colon, qui dit
rien. Petit moment de solitude.
L'armée, depuis la toute fin des années 90, c'est une armée de professionnels
(j'étais parmi les derniers appelés). Les soldats sont censés protéger la
France, tout ça, tmtc.
Un jour on est allé s'entrainer au tir. J'étais à coté d'une engagée
volontaire (une pro, donc) qui n'arrivait pas à toucher la cible. Après une
brève discussion, j'ai compris qu'elle ne savait pas viser. Il faut aligner
deux trucs de l'arme aver la cible, mais elle n'alignait que le truc du bout
du canon
L'armée, c'est aussi du matériel de pointe. J'ai appris de mon adjudant que
dans les chars AMX 30 B2, les supports pour les obus ont juste la bonne taille
pour y ranger des bouteilles de Bordeaux. Et si tu mets des chiffons mouillés
dans la clim, tu peux y rafraichir des canettes de bière.
Les camions Berliet fonctionnent au choix au gazole et à l'essence, on en
change en pressant un simple bouton. Aussi, le siège du passager vibre
tellement que ça fait bander (j'ai testé).
Une dernière pour la route. Je sais plus ce que j'avais dit à mon adjudant,
mais il avait répondu « c'est ça, appelle-moi con ! ». En bon soldat, j'ai
évidemment rétorqué « À vos ordres, mon adjudant ! » :)